L’hébergement d’urgence est une compétence étatique, mais l’action du Gouvernement est largement défaillante en la matière. C’est pourquoi la Ville de Grenoble s’investit depuis de nombreuses années. 3 questions à Céline Deslattes, conseillère municipale déléguée à la grande précarité, pour tout comprendre sur l’hébergement d’urgence à Grenoble.
Quel est le rôle de l’État en matière d’hébergement d’urgence ?
Céline Deslattes : L’État a la charge d’assurer à toute personne sans-abri et en situation de détresse médicale, psychique ou sociale un hébergement d’urgence, à savoir une solution de relogement temporaire aux personnes sans domicile ou obligées de quitter précipitamment le leur. À Grenoble, l’État subventionne 200 places, dans plusieurs types de structures : Centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), Lits d’Accueil Médicalisé (LAM), 3 lieux conventionnés via des Appels à Manifestation d’Intérêt (AMI), des places au Rondeau, ou encore Lits Halte Soins Santé (LHSS). La Ville complète ces dispositifs d’hébergement d’urgence pour le compte de l’État avec l’Éclaircie, un lieu d’accueil de nuit à destination des femmes et leurs enfants avec la Fondation Boissel. L’accueil y est conditionnel, et différent en fonction des situations et des structures. Il y a également des lieux gérés par la Ville de Grenoble mais conventionnés par l’État pour des situations spécifiques, comme les femmes et hommes seul-es avec chien, et les personnes en recherche d’emploi.
Que fait la Ville pour combler le manque latent de places ?
Céline Deslattes : La compétence de l’hébergement d‘urgence est propre à l’État, mais comme le nombre de places qu’il propose est insuffisant, la Ville complète en créant elle-même des places. Il en existe donc deux types; celles que la Ville gère pour le compte de l’État, et celles pour lesquelles elle est elle-même opératrice. De son côté, Grenoble a mis en place un centre d’hébergement au Rondeau (avec des places en propre, en plus de celles de l’État), a mis à disposition des anciens appartements d’instituteur-rices, des places au sein des lieux d’urbanisme transitoire (Abbaye), et travaille avec l’association “un toit pour tous” pour loger les personnes dans le diffus. Elle a également conventionné avec des lieux pour accueillir des personnes avec un besoin spécifique : on peut citer “Toustes pour un toit” pour les personnes en transition de genre, ou encore la maison Blum gérée de manière associative. De manière générale, la Ville de Grenoble respecte le droit fondamental au logement, et accueille donc les personnes de manière inconditionnelle. La Ville a également permis l’occupation des écoles pour permettre aux familles avec enfants de ne pas être à la rue. En tout, ce sont 241 places mises à disposition, avec 100 places supplémentaires prévues cette année dans le cadre du bouclier social et climatique, ce qui amènera à 341 places propre à la Ville fin 2024.
Quelles actions à plus long terme pour que l’État assume pleinement ses responsabilités ?
Céline Deslattes : Sur le long terme, la Ville de Grenoble continue de lutter pour que l’État finance des places supplémentaires d’hébergement d’urgence, pour répondre à la demande grandissante dans un contexte de précarité croissante en France. En octobre 2023, elle avait uni ses forces avec d’autres collectivités pour enjoindre l’État à prendre ses responsabilités et à rembourser une partie de la facture engagée par la Ville pour son compte. Le recours indemnitaire déposé auprès des services de l’État français pour obtenir un remboursement symbolique et rappeler l’importance de respecter les droits des personnes sans abri n’a, à l’heure actuelle, toujours pas reçu de réponse. Elle continue donc d’interpeller l’État, en lien avec les associations de droit au logement et les collectifs notamment de parents d’élèves impliqués pour le logement des familles avec enfants scolarisés. La Ville a également fait des propositions de bâtiments vacants que l’État pourrait réquisitionner pour augmenter sa part d’hébergement d’urgence.
Pour finir, la Ville de Grenoble rappelle que l’hébergement est un droit fondamental, et que personne ne devrait être contraint de vivre dans la rue, que ce soit une famille d’élèves scolarisés ou un individu seul. Il est grand temps que l’État assume pleinement ses responsabilités légales et crée de nouvelles places avec les 120 millions d’euros promis, car le nombre aujourd’hui est largement insuffisant au regard de l’urgence. La dignité des familles en difficulté doit être une priorité collective, et nous travaillerons sans relâche pour trouver des solutions dignes et durables.