En France, l’ensemble de nos institutions est désigné par le corps électoral au cours de scrutins qui leur sont spécifiquement dédiés. Du président de la République élu lors d’une élection présidentielle, au conseil municipal élu lors d’une élection municipale, à chaque échelon du pouvoir décentralisé, les électeurs et électrices sont amené-es à se prononcer sur des projets et des orientations qui transformeront un territoire défini, qu’il soit national ou local. C’est ainsi que vit notre République.
Toutefois, au cœur de la stratigraphie territoriale française subsiste une anomalie démocratique : l’élection des élu-es communautaires. C’est la loi n°2013-403 du 17 mai 20131 qui prescrit leur élection au suffrage universel direct parallèlement à celle des élu-es municipales et municipaux. Ce mode de désignation institue, de fait, un lien organique entre ces deux mandats.
Une décennie après la première élection des élu-es communautaires telle que prescrite par la loi du 17 mai 2013, nous avons aujourd’hui tout le recul nécessaire pour constater que l’absence d’un scrutin spécifique a pour effet d’installer de multiples biais démocratiques, que ce soit pour la parité, pour le respect du résultat des élections, pour la mise en œuvre des programmes présentés par les candidat-es au scrutin municipal, ou encore pour le choix éclairé des citoyennes et citoyens dans la définition d’un cap politique clair pour leur territoire intercommunal.
Les conseils communautaires : seules assemblées locales dispensées de parité
Depuis les élections de 2020, la part des femmes dans les conseils communautaires est en augmentation de 4,4 points mais n’atteint que 35,8 %2. Grenoble Alpes Métropole ne déroge pas à la règle avec 41 % de femmes siégeant au conseil métropolitain. Si cette situation est intimement liée à la sous-représentation des femmes à la tête des communes françaises (81 % des maires sont aujourd’hui des hommes3), elle n’en demeure pas moins une anomalie d’autant plus visible que, depuis la loi n°2000-493 du 6 juin 20004, l’ensemble des institutions locales (conseils municipaux, départementaux et régionaux) doivent garantir une égale représentation des femmes et des hommes au sein de leurs assemblées.
Les exécutifs communautaires : une dispense de parité encore permise par la loi
Par ailleurs, ce manque de parité s’observe également dans les fonctions occupées : plus on s’approche de la fonction de président, et moins ces fonctions sont occupées par des femmes. En France, en 2024, on compte ainsi 11,2 % de femmes présidentes, 25,6 % de vice-présidentes (35 % à Grenoble Alpes Métropole) et 38,6 % de conseillères sans fonction exécutive5. La loi n°2007-128 du 31 janvier 20076 a rendu obligatoire l’égale représentation des femmes et des hommes à l’échelle municipale ; elle a, en revanche, fermé les yeux sur la situation des intercommunalités.
Le respect de la démocratie, garantie optionnelle d’un 3e tour municipal à huis clos
Du fait de l’absence d’un scrutin spécifique et de la prédétermination des candidat-es appelé-es à siéger au sein des conseils communautaires, la constitution des majorités et des exécutifs peut ouvrir la voie à une approche purement politicienne contraire à l’esprit des intercommunalités7. Ainsi, il est tout à fait possible, pour des élu-es d’une opposition municipale, d’occuper des fonctions exécutives au sein d’une métropole. Cette pratique vient dès lors fausser le résultat des élections municipales et altérer la légitimité démocratique des intercommunalités. Une altération de légitimité d’autant plus fondée que les majorités et exécutifs intercommunaux se bâtissent lors négociations politiques à huis clos et ne sont pas les résultantes d’un scrutin démocratique spécifique à l’institution, et que les président-es d’intercommunalités sont désigné-es sans avoir été élu-es, sans programme ni projet préalablement validé par les urnes.
L’absence de débat démocratique permettant de construire l’avenir des territoires intercommunaux avec leurs citoyennes et citoyens
Si les intercommunalités prennent une place de plus en plus importante dans la vie de nos territoires en concentrant les compétences et le pouvoir décisionnel qui leur sont lié, leur montée en puissance n’a pas été accompagnée d’une véritable dynamique démocratique. Noyés dans les campagnes municipales, les enjeux intercommunaux sont trop souvent occultés ou portés par les candidat-es au regard des seuls intérêts de leurs communes. Ainsi, alors que l’intercommunalité occupe une place stratégique dans notre maillage territorial, ses grandes orientations sont reléguées au second plan du débat public, accentuant la méconnaissance des citoyennes et citoyens pour cette institution.
Pour des intercommunalités garantes de la parité, du choix du corps électoral et du débat démocratique, le conseil municipal de la Ville de Grenoble, réuni ce 4 novembre 2024, demande au Premier ministre :
• l’instauration, dès 2026, d’une élection spécifique des élu-es communautaires au suffrage universel direct par scrutin de liste paritaire par alternance ;
• d’étendre aux exécutifs des intercommunalités les dispositions de la loi du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.