Plusieurs scandales récents ont éclaté sur la pollution de l’eau aux polluants éternels polyfluoroalkylées (PFAS). Bien que Grenoble ne soit que peu touchée par ces PFAS, d’autres polluants tels que chlorates et perchlorates mais aussi mercure ou toluène ont été découverts dans l’eau grenobloise.
Une pollution historique datant de la Première Guerre Mondiale …
La capitale des Alpes, bâtie à la confluence de l’Isère, de la Romanche et du Drac, a tiré sa richesse de cette implantation. En effet, depuis la Première Guerre Mondiale, de multiples industries dans l’hydroélectricité, la papeterie et la chimie se sont implantées, profitant des fortes ressources en eau. Ce faisant, elles ont déversé toutes sortes de produits dans la nappe phréatique sous nos pieds, bénéficiant d’abord d’une absence de réglementation, puis de dérogations préfectorales à la réglementation de protection de l’eau. La pollution ici ne date donc pas d’hier.
… Qui persiste aujourd’hui
Ces industries n’ont jamais arrêté d’avoir des dérogations pour polluer l’eau, alors même que le droit commun l’interdit pour certains cas qui nous concernent. Aujourd’hui par exemple, on a pu constater des dépassements importants en chlorates et perchlorates sur la Romanche en aval de la plateforme de Jarrie.
Sur le bassin métropolitain, il y a deux masses d’eau souterraines distinctes :
- La masse d’eau des alluvions du Drac en rive droite et de la Romanche en aval des plateformes industrielles et sous l’agglomération grenobloise (FRDG372) : la nappe est fortement contaminée par la présence de solvants chlorés (COHV*) et de pesticides issus de l’activité industrielle.
- La masse d’eau des alluvions du Drac rive gauche et du secteur de Rochefort (FRGD371) est l’une des deux ressources principales où Grenoble Alpes Métropole puise l’eau potable (40% de ses besoins).
Il y a donc deux sujets :
- Pour la masse d’eau FRDG372, située sur la rive droite du Drac en dessous du cœur urbain de la métropole, elle est complètement polluée depuis des décennies par les plateformes industrielles de Jarrie et Pont-de-Claix. Des études ont démontré la présence de tétrachloroéthylène (hydrocarbure), d’hexachlorobutadiène (hydrocarbure), et de HCH bêta (pesticide). Cela constitue un problème de taille pour les habitant-es dont certains usages sont proscrits (arrosage notamment), mais aussi pour la commune de Grenoble, qui ne peut puiser cette eau pour ses piscines municipales ou le futur lac baignable par exemple, alors qu’elle se trouve juste sous ses pieds. En effet, pour que le lac de la Villeneuve soit baignable et l’eau de nappe utilisée dans les piscines (au lieu d’y mettre de l’eau potable qui se fait rare), l’Agence de santé demande à la Ville de prendre à sa charge la dépollution de l’eau. Alors que ce sont des industries privées autorisées par l’État qui sont à l’origine de la non-conformité de l’eau, il s’agit d’un renversement flagrant du principe de pollueur-payeur! Il n’est pas normal que les habitant-es portent in fine la charge des pollutions dont ils et elles ne sont pas responsables, ni que les communes portent les responsabilités de ceux qui polluent ce bien essentiel à la vie. Trop peu de mesures sont prises pour reconquérir le bon état des eaux alors même qu’il s’agit d’une obligation liée à la réglementation européenne.
- Pour la masse d’eau FRDG371 où se trouvent les champs de captage, elle est de bonne qualité. Toutefois, sa proximité avec la masse d’eau en mauvais état rive droite et avec la plateforme chimique de Jarrie (juste en face) appellent à la vigilance pour le maintien de la qualité de l’eau potable. Les industries chimiques rejettent leurs polluants trop proches des puits de captage, ce qui fait peser un risque pour la qualité de l’eau potable. Le service public de l’eau surveille sans cesse sa bonne qualité car des transferts de chlorates et perchlorates sont possibles et avérés. Pour prévenir ce risque, la Ville de Grenoble, ancienne propriétaire des champs de captage aujourd’hui gérés par la Métropole, avait mis en place une barrière hydraulique. Il s’agit d’un canal infiltrant d’eau de bonne qualité puisée dans le Drac en amont du champ captant, pour faire barrage aux substances indésirables présentes en rive droite du Drac (polluée). Des forages ont également été faits sur la plateforme chimique de Jarrie pour protéger les masses d’eau alentour en confinant les contaminations du site par pompage.
En conclusion, le risque est bel et bien présent et on peut se demander pourquoi des dérogations préfectorales autorisent des rejets de polluants irréguliers à proximité de telles installations essentielles à la vie de plusieurs milliers de personnes. In fine, c’est sur la vigilance des collectivités territoriales que le risque pèse.
Grenoble exige justice et équité
Cette histoire d’irrégularités et de pollution de l’eau se règle également devant la justice. C’est pourquoi une élue du groupe Grenoble en Commun, Anne-Sophie Olmos, a émis un signalement au procureur de la République de Grenoble qui a annoncé l’ouverture de deux enquêtes. L’une porte sur les rejets polluants de la plateforme chimique de Jarrie, et l’autre sur l’activité de carriers dans le lit du Drac à Champagnier, toutes ses irrégularités étant à l’intérieur du périmètre de protection absolue des champs de captage où toute forme d’activité est interdite et donc encore moins d’activités polluantes !
Un militant écologiste grenoblois, bien connu pour ses combats de lutte contre la corruption liée à la privatisation de l’eau potable de notre commune, Raymond Avrillier, a quant à lui saisi le tribunal administratif de Grenoble pour demander de suspendre des arrêtés préfectoraux autorisant des industries polluantes à déverser dans la Romanche et le Drac à hauteur des captages d’eau potable. Le tribunal administratif a rejeté ses requêtes pour défaut d’urgence à agir.